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PELLEAS AND MELISANDE.

GOLAUD. Vous aurez peur, toute seule. On ne sait pas ce qu'il y a ici... Toute la nuit... toute seule, ce n'est pas possible. Mélisande, venez, donnez-moi la main... MÉLISANDE. Oh ! ne me touchez pas !... Go LAUD. Ne criez pas... Je ne vous toucherai plus. Mais venez avec moi. La nuit sera très noire et très froide. Venez avec moi... MÉLISANDE. Oîi allez-vous? GOLAUD. Je ne sais pas... Je suis perdu aussi... (Ils sortent.) SCENE IL (Une salle dans le château. On dé- couvre Arkel et Geneviève.^ Genevieve. Voici ce qu'il a écrit à son frère Pelléas: "Un soir, je l'ai trouvée tout en pleurs au bord d'une fontaine, dans la forêt où je metais perdu. Je ne sais ni son âge, ni qui elle est, ni d'où elle vient et je n'ose pas l'interroger, car elle doit avoir eu une grande épou- vante, et quand on lui demande ce qui lui est arrivé, elle pleure tout à coup comme un enfant et sanglote si pro- fondément qu'on a peur. Il y a main- tenant six mois que je l'ai épousée et je n'en sais pas plus qu'au jour de notre rencontre. En attendant, mon cher Pelléas, toi que j'aime plus qu'un frère, bien que nous ne soyons pas nés du même père ; en attendant, prépare mon retour... Je sais que ma mère me pardonnera volontiers. Mais j'ai peur d'Arkël, malgré toute sa bonté, carj'ai déçu, par ce mariage étrange, tous ses projets politiques, et je crains que la beauté de Mélisande n'excuse pas à ses yeux, si sages, ma folie. S'il con- sent néanmoins à l'accueillir comme il accueillerait sa propre fille, le troi- sième soir qui suivra cette lettre, allume une lampe au sommet de la tour qui regarde la mer. Je l'aper- cevrai du pont de notre navire ; sinon j'irai plus loin et ne reviendrai plus..." Ou'en dites-vous ! Arkel. Je n'en dis rien. Cela peut nous paraître étrange, parce que nous ne voyons jamais que l'envers des des- tinées... Il avait toujours suivi mes conseils jusqu'ici; j'avais cru le rendre heureux en l'envoyant demander la main de la princesse Ursule... Il ne pouvait pas rester seul, et depuis la mort de sa femme il était triste d'être seul ; et ce mariage allait mettre fin à de longues guerres et à de vieilles haines... Il ne l'a pas voulu ainsi. Qu'il en soit comme il l'a voulu: je ne me suis jamais mis en travers d'une destinée : et il sait mieux que moi son avenir. Il n'arrive peut-être pa? d'événements inutiles... Genevieve. II a toujours été si prudent, si grave et si ferme... Depuis la mort de sa femme il ne vivait plus que pour son fils, le petit Yniold. Il a tout oublié... — Qu'allons-nous faire?... (Entre Pelléas.) Arkel. Qui est-ce qui entre là? Genevieve. C'est Pelléas. Il a pleuré. Arkel. Est-ce toi, Pelléas? — Amiens un peu plus près, que je te voie dans la lumière...